David de Beyter

L’atmosphère est dense, argileuse. Derrière une brume rouge ocre, on distingue à peine un paysage rocailleux. Présentées en polyptiques, les images se succèdent, brûlent ou disparaissent en un flash incandescent. Dans le ciel, apparaît la trajectoire d’un objet non-identifié. Sa chute semble continue, indéfectible. Comme si cet objet-météorite n’allait jamais atteindre le sol : il ne laisse derrière lui qu’une fumée propice aux fictions. L’exposition The Skeptics – Study of an Optical Phenomen de David De Beyter nous déplace sur le site géologique de Ténérife, dans les îles Canaries, où se mêlent croyance et rituels anciens. À travers un dispositif composé de photographies, d’images d’archives et d’une installation vidéo immersive, à la bande-son drone music, l’artiste recrée ainsi le récit d’une mythologie contemporaine, celle des ovnis, pour mieux le déconstruire. 

Sa pratique s’approche de l’art documentaire ou d’une forme photographique du re-enactement, puisqu’il fonde ses recherches sur une discipline amateure préexistante : l’ufologie scientifique. Cette pseudo-science dédiée à l’étude des ovnis regroupe la communauté des « sceptiques ». Ces passionné·es questionnent le médium photographique, inévitablement soumis aux accidents, et l’appréhendent parfois comme preuve de l’existence extraterrestre. 

Lorsqu’il travaille l’image, dans la chambre noire ou numériquement, David De Beyter dialogue avec l’archive ufologique. Il en rejoue les erreurs et reprend les motifs propres à la recherche des ufologues scientifiques : tâche éblouissante, trait lumineux ou corps volant à la forme indistincte. Chaque geste ici posé interroge de manière performative la réalité capturée et la notion de « vérité », comme interprétation que l’on en projette. 

Texte de Luce Cocquerelle-Giorgi, critique d’art et curatrice indépendante, membre du collectif Jeunes Critiques d’Art 

Né à Roubaix en 1985, David de Beyter est photographe. Il est l’un des quatre lauréat. es de la Bourse pour la recherche et la création photographiques, décernée en 2020 par l’Institut pour la photographie sur le thème Photographie et culture visuelle des imaginaires. Diplômé de l’École Nationale Supérieure des Arts Visuels de La Cambre (Bruxelles) et du Fresnoy – Studio national des arts contemporains (Tourcoing), il vit et travaille entre Paris et Lille. Conceptuelle et documentaire, sa pratique, qui explore les frontières entre réalité et ficiton, est centrée sur la question du paysage. 

Commissariat : Anne Lacoste, directrice de l’Institut pour la photographie