openfolio #4 : les lauréates
des lectures ouvertes de portfolios, un comité d’experts internationaux, une sélection de lauréats.
Suite à un appel à candidatures, 20 photographes originaires de la région Hauts-de-France et des régions belges limitrophes (Flandre et Wallonie) ont été invités, les 25 et 26 mai 2024, à présenter leurs travaux à l’église Sainte-Marie-Madeleine, devant un jury d’experts internationaux, dans le cadre de Say Cheeeese! — un week-end entier dédié à la photographie.
Cette année, le jury a souhaité mettre en avant le travail de cinq photographes qui se sont démarquées pour leur travail sur les individualités et les expériences personnelles, qu’elles se trouvent dans l’intimité, la marginalité, les transformations corporelles ou la perception complexe de la réalité du medium photographique. Les cinq lauréates sont :
Julie Calbert
Née en 1985, Julie Calbert vit et travaille à Bruxelles. Diplômée en communication et en photographie, elle a travaillé pour la presse belge et enseigne la photographie depuis plusieurs années. Elle collabore régulièrement avec des musicien·es et des artistes de la scène internationale. Son travail a été présenté dans de nombreuses expositions collectives en Europe. En 2023, il a fait l’objet d’une commande et d’expositions personnelles au Centre d’Art Contemporain du Luxembourg Belge, à la galerie La Part du feu à Bruxelles et à la galerie DEUSS à Anvers.
Ekhô est une série composée de tirages, d’installations et d’objets liés au paysage. Les dimensions comme les échelles d’observation varient de l’horizon au microscope, et l’agencement dans l’espace rythme notre regard, du plus lointain au plus proche de la matière. Julie Calbert poursuit un geste propre à son travail : la mise en culture photographique. Les teintes, choisies ou accidentelles, nous renvoient au tableau des éléments avec ses ors, argents, bleu de méthylène, verts oxydés ou noirs charbonneux. De l’iconographie scientifique elle emprunte la classification en planches, lamelles et clichés, puis articule ses images en série pour souligner tant leur périodicité que propriétés chimiques. En grec ancien êkhéô (« d’où vient l’écho ») signifie aussi bien faire du bruit que résonner, il signifie exactement « rendre un son ». Ici Julie Calbert passe à travers la surface, pour nous donner à voir un paysage fragmenté, qui sourde, oscille et vrombit en silence, à l’image des silhouettes féminines qui ponctuent sa série.
– Texte de Myriam Pruvot
Justine Dofal
Justine Dofal est une photographe française basée à Bruxelles. Au travers de portraits, de séries documentaires et de projets participatifs, elle cherche à décaler le regard sur des enjeux sociaux et à remettre au centre de l’image les personnes marginalisées. Influencée par son parcours en sociologie et action sociale, sa photographie cherche à questionner les structures de pouvoir, notamment en travaillant les notions de territoire, de mémoire, de traces et de transmission. Elle mêle différentes techniques photographiques et confronte les images à d’autres media (témoignages, archives, cartographies, sons, vidéo, collages…), afin d’interroger le rôle même de la photographie dans la reproduction et la permanence des inégalités. En décembre 2023, elle a été diplômée de l’École de photographie et techniques visuelles Agnès Varda, à Bruxelles. Elle réalise également des ateliers de création photographique à destination de personnes marginalisées, ayant vocation à les rendre elles-mêmes actrices de la construction de leur image.
Enquête au long cours dans une maison de repos bruxelloise, le projet En hiver, le soleil part de bonne heure est une réflexion photographique sur la perte, l’oubli, la solitude, l’isolement et l’enfermement des personnes âgées. Arrivé·es à un âge où ils·elles ont déjà perdu beaucoup — la vue, l’ouïe, la force, la mémoire, les ami·es aussi — les habitant·es de la Résidence Sainte-Gertrude traversent leur dernière étape de vie à l’ombre du reste de la société, sans revenus ni liens familiaux. Pourtant, subsiste en elles et en eux un désir fort de raconter, de transmettre, de partager et de vivre, quoiqu’il arrive.
Les photographies ont accompagnées d’un documentaire sonore et vidéo.
– Ce projet a été exposé deux fois à Bruxelles dans des expositions collectives et a reçu le prix Out of the Box dans le cadre du Prix Médiatine 24.
Romane Iskaria
Romane Iskaria est une photographe et artiste française travaillant à Bruxelles en Belgique. Elle est diplômée d’un Master de photographie à l’ENSAV La Cambre en 2022 et d’un DNA (Diplôme National d’Arts Plastiques) de l’INSEAAM Beaux-Arts de Marseille en 2018. Elle a aussi réalisé un échange à l’école d’Arts Visuel U-LAVAL à Québec au Canada.
Le travail de Romane se situe entre documentaire et fiction, l’artiste a un intérêt particulier pour les communautés invisibilisées et marginaliser. Elle utilise la photographie et le champs de la vidéo, mais aussi le textile, la sculpture afin de créer des installations immersives. Elle raconte des récits qui prennent la forme d’enquête au long court. Romane rejoue des rituels et des histoires spécifiques venant aussi questionner les territoires et leurs frontières, abordant des questions autour des migrations et de l’exil. La photographe créee des formes plastiques lui permettant de détourner les codes du documentaire.
Romane est lauréate du TIFF 2024, par FOMU Anvers & FUTURES Photography.
Megan Laurent
Depuis juin 2013, Megan Laurent expose régulièrement et a été représentée par la galerie Kontakthof, à Paris. Lauréate en 2016 d’une bourse à la mobilité internationale de la région des Hauts-de-France, elle a effectué une résidence artistique au C.C Art Space à Ispahan, en Iran, où elle a présenté sa première exposition personnelle internationale, ELEGIES, en 2017. L’artiste a également été lauréate d’une bourse des Ateliers Médicis pour une résidence artistique au CHU d’Amiens, en 2023. Actuellement, Megan Laurent travaille sur son premier artbook, préfacé par l’historien de l’art Paul Ardenne, qui réunira une décennie d’autoportraits et de textes autobiographiques.
Dans l’univers artistique de Megan Laurent, l’autoportrait transcende la simple « capture de soi ». C’est une exploration s’étalant sur plus d’une décennie, esquissant un journal intime visuel et textuel à la fois troublant et provocateur pour certains. Le miroir qu’elle nous tend vise une sincérité totale. Chaque image révèle une composition maîtrisée, chaque texte est une confession murmurée, une exploration sans filtre de la maladie, de l’amour, du sexe, de la famille, et bien plus encore.
Lucie Pastureau
Lucie Pastureau est née en 1982. Diplômée en 2008 de l’École Nationale des Arts Décoratifs de Paris, elle vit et travaille à Lille depuis 2013. Elle travaille autour de l’imagerie familiale, des petites choses de l’ordinaire, dans l’intention de tracer une cartographie intimiste d’un territoire, d’un groupe ou d’un individu. Avec un intérêt particulier pour la photographie amateure, et ce qu’elle peut dévoiler quand on la scrute : le surgissement d’une maladresse, d’un geste particulier, d’une atmosphère, de singularités ou bien au contraire de formes stéréotypées. Elle s’intéresse aux périodes de transitions, entrainant un déséquilibre, une bascule d’un état à un autre. L’adolescence, la sortie du cocon familial, le lieu de soin, ce sont encore et toujours des allers retours entre différents mondes assez clos, dans lesquels il faut opérer une percée.
Les corps élastiques, comme ils s’étirent puis reviennent à eux même dans leur résilience.
Ce sont de véritables palimpsestes de tous les petits traumas et grandes joies que l’on a vécus. Comme ils se remettent, toujours, jusqu’au jour ou plus.
Soudainement.
Certaines grandissent, leurs corps s’étirent on dirait qu’elles veulent en sortir, elles crachent à la gueule de l’enfance et se précipitent dans l’adolescence. Parfois elles l’affament pour en freiner l’épanchage et la déformation et accélérer ainsi leur chute. D’autres, dans leurs corps empêtrés et empêchés essayent de composer avec leurs rigidités, de se faire plus légères et d’apprivoiser les douleurs. Et puis il y a ceux qui deviennent celles, qui depuis toujours ont la peau qui démange de ne pas épouser leur forme intérieure.
Et encore, ces autres habitées le temps de plusieurs mois par un autre être qui leur ressemble.
Certaines sont en fusion, véritables poupées gigognes, pour d’autres c’est impossible même à imaginer et leur corps tente de le leur faire oublier.
Crédits photos :
– Julie Calbert, Ekhô : « Possible Landscape ». © Julie Calbert, 2023
– Justine Dofal, En hiver, le soleil part de bonne heure : « Quand Martine danse ». © Justine Dofal, 2023
– Megan Laurent, « Kiss of Venus ». © Megan Laurent, 2022
– © Romane Iskaria, 2024
– Lucie Pastureau, Les Corps Élastiques. © Lucie Pastureau, 2024