Guillaume Blanc-Marianne : Cultures visuelles, séminaire #13
Des cathédrales pour la « civilisation de l’image ». Murs d’images dans les années 1960-1970 en France.
Dans le cadre de la Bourse de l'Institut
Au cours des années 1960-1970, en France, l’heure est au nouveau paradigme de l’« audiovisuel ». L’association des Gens d’images, fondée par Albert Plécy en 1954 et rassemblant celles et ceux qui désirent une reconnaissance sociale équivalente à celle des « gens de lettres », entreprend de séduire le public par une série d’installations sous forme de « murs d’images ». Lors de ce débat-image, on reviendra sur certaines de leurs réalisations (comme la Nuit de l’image en 1967, les 24 Heures de l’image en 1969 ou le Bestiaire 2000 en en 1970), pour déboucher sur la réalisation majeure d’Albert Plécy, la Cathédrale d’images des Baux-de-Provence, inaugurée dans une carrière de calcaire du Val d’Enfer en 1977.
Pensée comme un spectacle permanent, elle invite le spectateur à naviguer « dans » l’image, c’est-à-dire dans un espace pour ainsi dire intestinal, dans lequel il est cerné par des projections monumentales qui doivent monopoliser son attention, produire un choc esthétique et cognitif. En ce sens, et comme son nom l’indique, la Cathédrale d’images mérite d’être interrogée dans le temps long, par exemple en comparaison avec les usages médiévaux de la consommation collective des images. Elle mérite aussi, c’est certain, d’être évaluée à l’aune des critiques de l’industrie culturelle qui lui sont contemporaines, tant le discours de Plécy quant à son projet peut prendre parfois un tour conquérant, sinon tyrannique.
On tentera de comprendre en somme en quoi la Cathédrale d’images est aussi pensée comme un aboutissement de la « civilisation de l’image », idée qui essaime à partir des années 1950 en France et théorise la fin d’une ère du texte, pour entrer dans celle de l’image, avec tout ce que cela suppose de renforts : la photographie considérée comme un langage universel ; une communication commode et rapide, calibrée sur le modèle monde marchand ; un monde désormais senti uniquement par ses représentations visuelles plutôt que conceptuelles.
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Guillaume Blanc-Marianne, actuellement boursier de l’Insitut pour la photographie de Lille, est historien de l’art, curateur et docteur de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Après avoir été boursier à la Bibliothèque nationale de France en 2014-2015, il a rejoint l’Institut national d’histoire de l’art en tant que chargé d’études et de recherches (2015-2018), puis le Centre allemand d’histoire de l’art à Paris (DFK-Paris, 2022-2024). En parallèle de ses activités de recherche, il a aussi enseigné l’histoire de la photographie et la théorie des images dans différentes universités. Ses textes ont été diffusés dans des revues telles que Transbordeur, Photographica, Artpress, Image & Narrative ou Critique d’art, ainsi que dans des ouvrages collectifs, par exemple aux éditions de la BnF, chez B42, RVB ou encore SciencesPo. Il écrit par ailleurs régulièrement pour des galeries, comme Balice Hertling, Mendes Wood ou encore Michel Rein. Il prépare actuellement la parution d’un ouvrage rassemblant les textes du débat qui s’est tenu entre Georges Didi-Huberman et Enzo Traverso sur AOC et dans lequel il est intervenu, une exposition sur le travail du photographe Jean-Christian Bourcart au Musée Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône et, en collaboration avec d’autres chercheurs, l’ouvrage restituant la production scientifique du sujet bisannuel du Centre allemand d’histoire de l’art (Le visible et le dicible. Les langages de l’histoire de l’art).
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